Une première approche
Pour tenter d’éclairer les nombreuses actions menées au niveau de la gestion de nos poubelles, il me paraissait intéressant d’en chercher les motivations. Des conseils, des réglementations, des initiatives citoyennes reposent sur divers arguments

  • Ne pas polluer et préserver la planète pour les générations futures
  • Ne pas gaspiller par souci d’économies et pour anticiper la fin de nombreuses ressources naturelles

Alors, pour donner du sens à cette gestion des poubelles, je cherchais une motivation plus profonde pouvant dépasser le recours à la culpabilité du pollueur et à l’efficacité économique. Un constat en observant le vivant : si la vie génère automatiquement des déchets, ils sont tous recyclés par d’autres formes de vie. Donc économie circulaire et aucun déchet non recyclable.

Gérer nos déchets nous permet donc au final d’être le plus cohérent possible avec les mécanismes du Vivant ! Et ce sera donc au final notre sentiment d’appartenance à la nature qui nous conduira à en respecter les règles et à le faire par amour !
Belle constatation, mais la réalité est bien plus complexe !

Déchets toxiques : quelques exemples dans ma cuisine
Fermentation de mes légumes lacto-fermentés : l’acidité produite résulte du métabolisme des micro-organismes et l’opération se faisant dans le milieu clos d’un bocal, cette acidité devient bactéricide au point de stopper la fermentation ! Ph mini obtenu est de l’ordre de 2,8
Fermentation alcoolique : ce qui vient d’être dit pour l’acidité est transposable à l’alcool. Il devient bactéricide avec un taux de l’ordre de 15°
Ces fermentations ont pu se produire spontanément de manière accidentelle : l’observation de l’homme a permis d’apprécier l’utilité des « poisons » ainsi générés et à reproduire ces phénomènes. Il se trouve que de tels poisons ponctuellement fatals aux bactéries qui en sont à l’origine présentent de grandes qualités pour l’homme : enrichissement nutritionnel, conserves naturelles…

Déchets toxiques liés au développement de la vie sur notre planète
La photosynthèse est le processus bioénergétique qui permet à des organismes (comme les bactéries photoautotrophes) de synthétiser de la matière organique en utilisant l’énergie lumineuse. Elle apparaît il y a plus de 3,7 milliards d’années chez des bactéries sulfato-réductrices.
Mais la grande révolution remonte à 2,45 milliards d’années avec la photosynthèse oxygénique apparue chez les oxyphotobactéries qui a produit un bouleversement écologique majeur en faisant évoluer l’atmosphère alors riche en méthane, en l’actuelle, composée notamment de dioxyde de carbone et de dioxygène.
Or l’oxygène ainsi libéré était pour tous les micro-organismes de l’époque, un poison ! La vie sur terre a bien failli disparaitre, victime de l’accumulation de ses propres déchets ! (Wikipédia)

Comment la vie a surmonté ce bouleversement écologique ?
Par le jeu complexe de l’évolution : une série de mutations successives va permettre à un groupe de bactéries d’utiliser l’oxygène comme une ressource. Nouvelle révolution, encore plus déterminante que la précédente. Ces organismes « inventent » le recyclage et l’économie circulaire !
Que d’avantages :
1. Ils disposent d’une ressource abondante car l’oxygène, déchet des organismes photosynthétiques est omniprésent.
2. Ils disposent grâce à l’oxygène d’un métabolisme extraordinairement énergétique qui va permettre à leurs descendants une cascade d’innovations biologiques qui va conduire à la constitution des organismes pluricellulaires, les plantes, les animaux, et à la conquête de la terre ferme.
Ce qui était une menace a été transformé en avantage révolutionnaire.
Mais ce n’est pas tout. Avec le recyclage de l’oxygène, le vivant inaugure les principes de base de son organisation complexe : les syntrophies (Relation de nécessité entre deux bactéries qui ne peuvent se développer séparément) et les écosystèmes, où les déchets de l’un deviennent les ressources de l’autre.
Ce mode de fonctionnement est toujours le fondement des écosystèmes actuels, en particulier des plus matures et durables. Christian Duquennoi

Nos déchets et les enseignements du vivant
Quels enseignements peut-on tirer de la belle histoire de la vie sur Terre, longue de plusieurs milliards d’années au regard de la masse d’hyper-déchets produits par la société actuelle d’hyperconsommation ?
Tout d’abord rappelons que l’accumulation de déchets peut menacer la survie même de l’espèce qui les produit. La crise de l’oxygène en est l’illustration la plus marquante. Et cela pourrait bien nous arriver si nous ne faisons rien pour changer nos modes de consommation des ressources et de production de déchets.
Les premiers signes de cette accumulation menaçante ? Les gaz à effet de serre, déchets gazeux de notre production d’énergie à partir de combustibles fossiles et de notre production agricole intensive.
Pour ce qui concerne les déchets solides, nous savons déjà que si rien n’est fait pour infléchir notre rythme actuel, nous en produirons 25 milliards de tonnes en 2050 et 45 milliards en 2100. Cela est-il soutenable ? Durable ? Plus personne ne le pense sérieusement.
D’abord parce que les ressources non renouvelables, comme les combustibles fossiles, vont probablement manquer, ensuite parce qu’il est aussi fort probable que l’accumulation de déchets atteigne des limites insupportables, physiquement, chimiquement et biologiquement.
Mais heureusement, le vivant nous apprend également que ce scenario n’est pas une fatalité et que des solutions existent, expérimentées depuis des milliards d’années par les écosystèmes.
C’est le principe de base de ce que l’on appelle l’économie circulaire, inspirée du vivant. Christian Duquennoi

Perspectives
Certes, l’économe circulaire représente un nouveau mode de fonctionnement pouvant faire échec à la disparition de notre civilisation victime de ses déchets ! Cela commence à se mettre en place, localement dans des territoires « en transition ».
Mais, tout comme un écosystème naturel en transition, cette étape est fragile et doit être protégée et soutenue si nous voulons que notre avenir soit placé sous le signe du déchet-ressource et non pas du déchet-fléau.

 

Les citations de Christian Duquennoi proviennent de Défi écologique

By Gerard