Autour de la beauté

Comment qualifier cette émotion devant la beauté d’un spectacle qui engendre le vertige d’un émerveillement intense à la limite de la douleur ? Peut-être , comme l’exprime François Cheung

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« Chaque expérience de beauté
rappelle un paradis perdu
et appelle un paradis promis. »

Mais où pouvons-nous vivre cette expérience d’intense beauté ? Un paysage, une scène de la nature entre plantes et animaux, le cosmos, etc. On peut s’exclamer alors « c’est trop beau ! » comme on dirait « c’est trop bon ! » Pourquoi « trop » si ce n’est le ressenti de quelque chose qui nous dépasse et qui suscite un désir d’autre chose, d’un infini auquel nous appartenons et dont nous sommes coupés.
Et ce ressenti est variable selon les personnes, ce qui laisse penser que la beauté est bien dans les yeux qui regardent. Hubert Reeves va dans ce sens quand il déclare

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« La beauté naît de la rencontre
entre le monde et l’être humain qui le perçoit.
La beauté naît du regard de l’homme »

Et cette subjectivité est encore renforcée par le contexte dans lequel se trouve l’homme-spectateur

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« Sans la joue rose de l’aimée
qui peut dire belle la rose,
et sans un gobelet de vin,
qui peut dire le printemps doux ? »
Hafiz

Et si l’homme affine ses sens et son regard sur le monde qui l’entoure,
il sera à même de débusquer la beauté partout

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« La beauté est partout
même sur le sol le plus dur, le plus rebelle
la beauté est partout
au détour d’une rue, dans les yeux,
sur les lèvres d’un inconnu
dans les lieux les plus vides où l’espoir n’a pas de place
où seule la mort invite le coeur
la beauté est là
elle émerge, incompréhensible, inexplicable
elle surgit unique et nue
à nous d’apprendre à l’accueillir en nous »
Kenneth White
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« Bénis sont ceux qui voient la beauté
dans d’humbles lieux
là où d’autres n’y voient rien.  »
Camille Pissaro.

Alors la beauté qui est perçue atteste d’un regard purifié sur notre monde ; alors peuvent surgir l’émerveillement et la gratitude face aux mystère de la Vie.

Les Navaros ne s’y trompaient pas quand ils mettaient la recherche de la beauté au cœur de leur cheminement spirituel :

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La beauté devant moi fasse que je marche
La beauté derrière moi fasse que je marche
La beauté au-dessus de moi fasse que je marche…
La beauté au-dessous de moi fasse que je marche
La beauté tout autour de moi fasse que je marche

Daniel Poop, lors de ses nombreuses randonnées dans des milieux extrêmes -montagnes et déserts-
a bien ressenti et exprimé la portée de cette émotion

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La beauté pointe directement à sa source.
L’émotion surgit, porteuse de toutes les questions
qui jaillissent du fond des entrailles d’un homme,
dont la réponse ultime est le socle,
la source même de cet homme

Alors, nul besoin d’un paysage extraordinaire, d’une musique particulière, d’une situation privilégiée ; le regard affiné pourra débusquer et contempler la Beauté partout, et en particulier face au spectacle de la lente dégradation des choses ; la tristesse de l’altération et la beauté qui en résulte se renforcent mutuellement, comme l’exprime Jacques Serena.

Ceci dit, si l’exercice consiste à éduquer notre regard et à voir avec le cœur, cela ne nous autorise pas à négliger l’invitation permanente de manifester notre créativité : la beauté est toujours au rendez-vous dès que l’on accepte de laisser la vie s’exprimer à travers nous, sans jugement, sans comparaison, juste pour le plaisir de laisser la vie s’émerveiller de la vie, cette vie qui prend plaisir à la vie…

By Gerard