………………………………………… Gérard Verret en son jardin, intarissable.

Ce jardin n’est pas si vieux, mais il semble avoir mille et une vies. Ce pré pas carré sur les hauteurs de Lalaye n’est pas fait d’un bloc mais d’une multitude d’histoires, de coins de nature qui ont chacun tant à raconter. Alors on s’assied et on écoute.
Son jardin, il le dit « gourmand », Gérard Verret. C’est d’ailleurs ainsi qu’il l’a baptisé. Il n’y est pas propriétaire, mais ce « petit coin de nature » est bien à lui, il porte sa patte et ne ressemble (sans doute) à aucun autre.
Sa gourmandise à lui, ancien expert-comptable reconverti, apparaît sans limite. Elle est dans les mots tant il les utilise sans compter pour partager ses passions. Elle est tout autant dans ce pré pas carré.

« On produit moins mais c’est plus nutritif »
Tout en pentes, il n’a pas le profil habituel, ni à l’anglaise encore moins à la française. Il est « juste » gourmand. Déjà parce qu’on y trouve à manger. C’est certes sauvage mais cela se met en bouche.
« On a tous les légumes », lance l’éternel jeune homme, tout fiérot. Les carottes sont là, les poireaux un peu plus loin, ail et oignon affichent présents aussi, de même que salsifis et panais. « On produit moins mais c’est plus nutritif. »
Au-dessus de la maison s’affiche le coin des petits fruits, le verger encore, avec, au pied, des animaux (sauvages bien sûr) tout de bois conçus. Puis il y a tout ce qui est herbes, ces épices qu’on met en plat « pour le goût, mais aussi pour décorer l’assiette ».
Sa gourmandise, à ce jardinier pas tout à fait comme les autres, c’est aussi du « plaisir pour les yeux ». « Il faut de la beauté dans un jardin, l’homme en a besoin », affirme-t-il.
Tout n’est pas comestible, mais peu importe. L’utile n’est pas seulement ce qui remplit la panse. L’histoire de ces quelques ares a démarré il y a quelque quinze ans, quand le Monsieur s’est mis en tête d’ouvrir une maison d’hôtes.
« J’y faisais mes petits repas, pour nourrir mes invités. » Il n’avait pas forcément le temps d’en consacrer trop, à son jardin. La pelouse s’est ainsi retrouvée rendue à sa liberté. « Je me suis alors rendu compte qu’il y avait des choses qui poussaient d’elles-mêmes. »
Et que ces « choses », elles avaient du bon. Depuis, il ne « fait » plus chambres d’hôtes, organise des repas « à la demande », plutôt des tablées pédagogiques d’ailleurs. Son coin de verdure, il le soigne à sa manière, d’une sauvagerie organisée.
Tant pis pour l’oxymore, car cela se travaille de laisser des espaces de laisser-faire. Ici, les herbes folles n’en font qu’à leur tête, dans un enclos délimité. Plus loin, au « coin forêt », un arbre finit de se mourir recouvert par tout un tas de ronces.
« Un jardin, cela s’observe. On doit le faire évoluer à sa demande »
C’est voulu, calculé, cela peut varier d’une saison à l’autre également. « Un jardin, cela s’observe. On doit le faire évoluer à sa demande. » Tiens, par exemple, ces plants-là ne se plaisaient pas trop où on les avait mis ?
Alors ils ont « voyagé » – c’est son mot ! – et on les a laissés accomplir cette migration. Gérard Verret semble plus au service de son jardin que l’inverse, adaptant ce qu’il met en terre selon son humidité, sa richesse, son ensoleillement.
Du classique ? Certes, sauf qu’il n’insiste pas si Dame nature s’oppose à ses plans. Sauf qu’il apprécie écouter ce que cette dernière lui conseille, quitte à, tout compte fait, la laisser se dépatouiller toute seule.
« Il faut des endroits pour nos auxiliaires, les insectes et autres animaux. » Ces parties sauvages sont là pour qu’ils s’épanouissent, un but recherché étant de compter une grande diversité sur ces quelques mètres carrés. « J’ai voulu qu’on retrouve un peu toutes les plantes de la vallée. »
Parce que sa démarche se veut instructive, il a multiplié les panneaux d’ardoise. Chaque plante là répertoriée parle à la première personne du singulier et se raconte. Un dialogue s’instaure ainsi assez vite.
« Cela donne un sens à ma vie, je me sens connecté à la nature, au vivant. À certaines personnes, la vie sauvage fait peur, ce sont celles qui partent en forêt mais butent sur la mare aux trois moustiques… »
Lui, les insectes, il les accueille avec tout un tas d’armoires. Là, au bout milieu du jardin, ces bouts de bois ne sont pas abandonnés par fainéantise : « C’est le refuge des hérissons. » C’est d’ailleurs écrit dessus. « La nurserie (hérissonne) est un peu plus loin… »
« Je suis gourmand de la vie », lâche l’homme, avant de laisser partir l’hôte, à regret tant il a à dire. « J’apporte du soin aux petites choses, j’aime les mettre en valeur parce qu’on ne les voit pas assez, d’habitude. Pour mieux apprécier tout cela, j’ai essayé de créer des ambiances, pour qu’on fasse un tout avec la nature. »
Qu’on la retrouve telle qu’elle est vraiment.
Serge Bastide
Article DNA 5 juin 2017

By Gerard